voguer

voguer

voguer [ vɔge ] v. intr. <conjug. : 1>
• v. 1210; de l'a. bas all. wagon, devenu wogon
Vx ou littér. Avancer à force de rames ( 1. ramer), et par ext. Avancer sur l'eau. naviguer. « nous voguions en silence » (Lamartine). « Les bateaux qui sur le Rhin voguent » (Apollinaire).
Loc. fig. Vogue la galère ! laissons les choses suivre leur cours; advienne que pourra. « Vogue la galère, dit-il. Au diable toutes ces sottises ! » (Balzac).

voguer verbe intransitif (ancien bas allemand wogon, se balancer) Littéraire Avancer sur l'eau, en parlant d'un bateau, des passagers : Voguer vers l'Amérique. Nager en surface : Les dauphins voguaient contre le vent. Errer au hasard comme un objet flottant : Ainsi voguaient mes souvenirs.

voguer
v. intr. Vieilli ou litt. Naviguer.

⇒VOGUER, verbe
Vx ou littér.
A. — Empl. intrans.
1. a) [Le suj. désigne une embarcation] Avancer sur l'eau. La barque, roulant mollement d'un bord sur l'autre, voguait à la grâce de Dieu (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 179).
Au fig. Vogue la galère !
b) [Le suj. désigne un ou des rameurs] Ramer. La gaillarde qui tient les avirons m'a l'air de voguer comme un vieux cheval de retour (AYMÉ, Vogue, 1944, p. 32).
c) [Le suj. désigne un navigateur, des passagers, des marchandises] Se déplacer sur l'eau. J'ai cent tonnes de cryogène actuellement bloquées à Saint-Nazaire (...). Et il y aura, dans huit jours, cent autres tonnes de camelote qui vogueront sur l'Atlantique (DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 13). Tandis qu'il vogue vers la Palestine, la vue de la nuit étoilée sur la mer le plonge dans une admiration religieuse qui s'exprime par une prière aux astres-dieux (DURRY, Nerval, 1956, p. 85).
d) [Le suj. désigne un animal] Nager. La nature a fait des poissons pour tous ces sites. Il y en a de ronds qui voguent en tournant avec les vagues, comme un rouet dont ils portent le nom (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 193). À certains moments, un bruit très doux de rames; il se dirigea du côté d'où venait ce bruit et reconnut une pièce d'eau sur laquelle voguait un cygne qui vint aussitôt à lui (HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 35).
2. P. anal. [Le suj. désigne un vêtement] Être trop large, flotter. Il avait tellement maigri, ratatiné de toute la tronche, que la coiffe de sa grande casquette, elle lui voguait sur le cassis (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 564).
3. Au fig. Errer à l'aventure. Il faut pour pénétrer de telles impressions avoir connu soi-même l'effroyable douleur où l'on vogue après la perte d'un être cher (ESTAUNIÉ, Ascension M. Baslèvre, 1919, p. 303). Ainsi vogue et vague cette pensée, qui ne peut s'astreindre à tenir sa route, qui touche à tout (FARAL, Vie temps st Louis, 1942, p. 245).
B. — Empl. trans., POT. Voguer l'argile. Pétrir l'argile, avant de la placer sur le tour. (Dict. XIXe et XXe s.).
Prononc. et Orth.:[], (il) vogue []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Intrans. mar. 1. ca 1208 « naviguer, faire avancer un navire » (GEOFFROI DE VILLEHARDOUIN, Conquête de Constantinople, éd. E. Faral, 469, t. 2, p. 284); spéc. 1278 « tirer sur les rames pour faire avancer un navire » (doc. ds A. BOÜARD, Actes et lettres de Charles Ier, roi de Sicile, 97, 102 ds FENNIS Stolon., p. 535); 1461 loc. fig. vaugue la galee! (Les Menus propos ds Rec. gén. des Sotties, éd. E. Picot, t. 1, p. 111, 561); 1552 Vogue la gualere (RABELAIS, Quart Livre, éd. R. Marichal, chap. 23, p. 123, 54); 2. ca 1425 p. métaph. vauguer (comme nef qui perist) « être entraîné dans des hasards dangereux (d'une personne) » (A. CHARTIER, Le Livre de l'Esperance, éd. Fr. Rouy, p. 8, 117); 3. 1560 id. « avoir cours » (E. PASQUIER, Rech., I, 12 ds GDF.); 1583-84 « être en vogue » (BRANTÔME, Des Dames ds Œuvres, éd. L. Lalanne, t. 9, p. 339); 4. 1769 id. voguer « avancer sur l'eau (d'animaux aquatiques) » (DELISLE DE SALES, De la Philosophie de la nature, p. 489). II. Trans. pot. 1765 (Encyclop.: Voquer, ce mot n'est pas françois, quoiqu'il se lise dans le Trévoux [cf. Trév. 1704-1752]; c'est voguer que disent les Potiers de terre et autres ouvriers. Voyez voguer [le terme de pot. n'est pas mentionné s.v. voguer]); 1771 (Trév.: Voquer v.a. Terme de Potier [...] On prétend qu'il faut dire voguer: et il paroît qu'on a raison). I est d'orig. controversée. Pour VIDOS Tecn., pp. 165-168, suivi par FEW t. 17, pp. 606-607 et BL.-W.3-5, s'appuyant sur un lat. médiév. vogatium « droit de navigation » att. en 1049 (Bulle de Léon IX adressée aux Bénédictins de l'abbaye de Stavelot et relative à la Loire, citée ds DU CANGE d'apr. MABILLON) qu'il croit être une latinisation de vogage dér. de voguer, voguer est empr. à l'a. b. all. wogon « balancer », altér. de wagen « id. », et l'ital. vogare est empr. au fr. Cette hyp. se heurte à plusieurs difficultés: un terme de mar. empr. par l'ital. au fr. qui lui-même l'aurait empr. à l'a. b. all. est inhabituel, et l'on trouve en Italie du Sud des formes dial. en -c- qui ne peuvent s'expliquer par l'empr. au fr.; de plus, le lat. médiév. vogatium est dû à une mauvaise lecture de Mabillon; c'est vogatio qui est att. ds le texte original et on peut l'interpréter comme une altér. de (ad) vocatio « domaine » (cf. H. et R. KAHANE, infra). C'est pourquoi les étymologistes ital. (PRATI, DEI, suivis par HOPE, p. 52, COR.-PASC. et FENNIS Stolon., pp. 536-537) voient dans voguer un empr. à l'ital. vogare, att. dès le XIIIe s. (Novellino et sirventes pisan d'apr. CORT.-ZOLLI; lat. médiév. vogare en 1214 à Gênes ds JAL1), lui-même issu du lat. vocare « appeler » qui aurait pris le sens de « crier pour donner le rythme aux rameurs », puis celui de « ramer »; mais cette hyp. se heurte au fait que le lat. vocare n'a pas laissé de descendant pop. en ital.; le passage de l'empl. trans. à l'empl. intrans. fait également difficulté. Aussi, plus récemment, H. et R. KAHANE (ds Mél. Hubschmid (J.), pp. 249-254; cf. CORT.-ZOLLI), pour qui le fr. est aussi empr. à l'ital., ont émis l'hyp. (déjà entrevue par G. ROHLFS ds Lexicon Graecanicum Italiae Inferioris, p. 83) que l'ital. vogare serait issu p. métaph. du gr. « bercer, balancer », dér., comme la forme élargie « bercer », « berceau », d'une racine pop. anc. bauk- « bercement, balancement ». Cette hyp. a le mérite d'expliquer les formes dial. de l'Italie du Sud issues, soit de la forme longue (voculiare, vuoculiare « balancer, basculer », vócula, vócola « berceau, bascule »), soit de la forme courte (vúka, vóka « bercer », vocare, vocari, vucare « voguer, ramer », voca-voca « bascule »). II représente une altér. par fausse étymol. de voquer (dep. 1680, RICH.), à l'orig. forme dial. pic.-norm. ou occ. issue du lat. volvicare « tourner », dér. de volvere « id. » (FEW t. 14, p. 624b et p. 625b, note 2), plutôt qu'une métaph. à partir de I avec d'abord une désonorisation inexpliquée (FEW t. 17, p. 606b et p. 607b, note 2). Fréq. abs. littér.:405. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 970, b) 467; XXe s.: a) 416, b) 389.
DÉR. Vogueur, subst. masc. a) Vx ou littér. Rameur. P. métaph. J'ai vu des archipels sidéraux! et des îles Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur (RIMBAUD, Poés., 1871, p. 131). b) Vx. Appareil à l'aide duquel une personne qui ne sait pas nager se maintient sur l'eau. (Dict. XIXe et XXe s.). []. Att. ds Ac. 1694-1878. 1res attest. a) [fin XIIIe s.?] vogueor « rameur » (charte fr. trad. d'une convention entre l'empereur Michel Paléologue et les Génois, 1261 ds DU CANGE, s.v. vogherii] 1373 vaugueur (lettre de rémission, ibid.), 1543 vogueur (SELVE, trad. PLUTARQUE, Alcibiade, 75 r° ds HUG.), b) 1859 désigne une sorte de gilet de sauvetage (BONN.-PARIS); de voguer, suff. -eur2.
BBG. — BARB. Misc. 28 1944-52, pp. 357-358. — HOPE 1971, p. 52. — VIDOS (B. E.). Voguer. Neophilologus. 1942, t. 27, pp. 183-185.

voguer [vɔge] v.
ÉTYM. V. 1210; orig. incert. selon Wartburg, de l'anc. bas all. wagon, devenu wogon, ou, selon Guiraud, d'orig. romane, du provençal vogar « avancer à la force des rames », p.-ê. du lat. vocare « exhorter (les rameurs) à se mettre en mouvement »; en emploi trans. jusqu'au XVIe, au sens de « faire avancer à force de rames ».
Vieux ou littéraire.
———
I V. intr.
1 Avancer à force de rames ( Ramer). || Galère qui vogue. — ☑ Loc. fig. Vogue la galère ! : arrive ce qui pourra ! (→ Advienne que pourra, le sort en est jeté).
1 Il sortit, courut, traversa les jardins et jeta le talisman au fond d'un puits : « Vogue la galère, dit-il. Au diable toutes ces sottises ! »
Balzac, la Peau de chagrin, Pl., t. IX, p. 188.
2 Avancer sur l'eau. Naviguer. || « Nous voguions en silence » (→ Cadence, cit. 6). || Vaisseau en état (cit. 43) de voguer (→ Tenir la mer). || Les bateaux qui sur le Rhin voguent (→ Sapin, cit. 1).
3 (Déb. XVIIe). Par métaphore, fig. Naviguer. || La pensée vogue. → Style, cit. 12. — Voguer vers un rivage : se diriger vers un but.
2 Elle voguait déjà vers d'autres rivages; et, le cœur battant fort, semblable au navire qui appareille, elle sentait frémir en elle les pulsations d'une nouvelle vie.
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 48.
———
II V. tr. (1337, voguer les avirons). Techn. (1765). Vx. || Voguer l'argile, la manier, la pétrir avant tournage.
DÉR. Vogueur.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Нужно сделать НИР?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • voguer — Voguer. v. n. Estre poussé sur l eau à force de rames. Les galeres commençoient à voguer. Il sign. aussi, Ramer, mouvoir, faire aller avec la rame. Il a des forçats qui voguent à merveilles. On dit prov. Vogue la galere, pour dire, Arrive ce qui… …   Dictionnaire de l'Académie française

  • voguer — Voguer, Velificare, Velificari …   Thresor de la langue françoyse

  • voguer — (vo ghé), je voguais, nous voguions, vous voguiez ; que je vogue, que nous voguions, que vous voguiez, v. n. 1°   Être poussé sur l eau à force de rames. Les galères commençaient à voguer. 2°   Ramer, faire aller avec la rame (emploi qui a… …   Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré

  • VOGUER — v. intr. être poussé sur l’eau à force de rames. Les galères commençaient à voguer. Fig. et fam., Vogue la galère, Arrive ce qui pourra. VOGUER signifie, par extension, Naviguer de quelque manière que ce soit. Nous voguions à pleines voiles.… …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 8eme edition (1935)

  • VOGUER — v. n. Être poussé sur l eau à force de rames. Les galères commençaient à voguer.   Il se dit quelquefois dans une acception moins restreinte, et signifie, Naviguer de quelque manière que ce soit. Nous voguions à pleines voiles. Notre vaisseau… …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 7eme edition (1835)

  • voguer — noun see vogue II …   New Collegiate Dictionary

  • Voguer — nf mur, muraille Bretagne. Forme mutée de moguer …   Glossaire des noms topographiques en France

  • voguer — vogu·er …   English syllables

  • voguer — noun see vogue III * * * vōgˈuer noun • • • Main Entry: ↑vogue …   Useful english dictionary

  • vogue — [ vɔg ] n. f. • 1466; p. ê. it. voga; même orig. que voguer 1 ♦ État de ce qui est apprécié momentanément du public; de ce qui est à la mode. « C est l opinion qui toujours fait la vogue » (La Fontaine). ⇒ 1. mode. Sa vogue augmente, baisse. ⇒… …   Encyclopédie Universelle

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”